YVES
La musique est une femme qu’il rencontre
toujours comme pour la première fois.
Aux répétitions, il lui parle, la séduit,
l’effleure, la dispose aux aveux, encore balbutiants, mais déjà
magnétiques: «Je crois que je vais vous aimer», «oui ,
je vous aime…».
A
l’ interprétation, nous écoutons les noces. Ce qui
servit à conquérir passe dans ce qui monte au plaisir.
L’homme
caresse l’œuvre, qui s’ en ouvre, caressante à
son tour. Yves sera sauvage
avec la sauvage, et délicat avec la délicate. Dans
l’un et l’autre cas, il
fait trembler les étreintes. Au fond, il «flaire» ce
corps sonore, si féminin , pour lui, rien que pour lui. Il le
respire, le palpe, en débusque
les saveurs, les ardentes, les subtiles, les rêveuses, les
juteuses, les
presque nues, les toutes déshabillées. Et s’il lui
reste à découvrir comment
s’y prendre pour que ses pudeurs ressemblent à des
consentements, alors il met
en jeu ses sûres intuitions, et il gagne. Chez lui, le
désir va avec le
respect, et la puissance avec le tact .
Du même coup, nous dressons l’oreille. Est-ce
un leurre, cette histoire entre un homme de chair et de sang et la
mystérieuse beauté de l’élite des bruits? Non, ce ne l’est pas. Je vous
le dis: Yves est un faux assis devant un vrai clavier. En vérité, il
couche. Il couche avec ce que nous ne voyons pas, mais entendons si
bien: des courbes mélodieuses, des accents de chevauchée, des pauses,
des reprises haletantes, des moments de volupté, d’adoration, des voix
lointaines, des soupirs immédiats, de doux serments, un air russe, fol et
grave à la fois. La danse de ses doigts sur les touches ne serait-elle pas,
elle aussi, une des métaphores possibles de son impatience de jouir, modulée
par sa rigueur d’artiste? Ce
voyage dans la passion, vers le vertige, il nous y associe , jusqu’ à la
communion.
Ainsi
Yves est- il fait. Certes, une passion
n’est rien si elle n’est généreuse. La sienne
donne, sans compter. Ses
proches en savent quelque chose, et nul d’entre eux ne
s’étonnera de ce que je
viens d’écrire. En amitié, Yves n’est ni
assis, ni couché. Il est debout,
les bras ouverts, pressés de se refermer. Il nous invite
à son autre musique, celle du cœur et de la
fidélité du cœur.
C’est là que la partition s’efface sous les
élans, ou emportée par eux. Existe-t-elle
seulement? J’en doute fort, surtout dans le cas qui nous occupe.
Nous sentons bien, «lui» et moi, qu’il n’y a pas de compositeur
pour les vibrations affectives.
Elles s’exhalent d’elles-même, souffle ou
chant, des profondeurs de l’être. Et si on ne sait pas toujours comment cela
vient, on sait toujours pourquoi cela vient et à qui cela va. Salut, Yves,
et bénies soient les insultes que nous nous envoyons, joyeusement et
régulièrement, à la tête. J’ avais failli oublier cet aspect pour le moins
dru, et cru autant que voyou et viscéral, de notre vieille habitude de nous
enquiquiner d’abord, de nous acoquiner ensuite, et de fraterniser enfin,
depuis le début.
Marcel Moreau
Quatre mains,deux virtuoses, un piano, une rencontre toute de plaisirs et de
découvertes devant un programme emballant, émouvant, une communion des
esprits.
Il est des moments qu'il convient de vivre et sur lesquels les mots
ne s' appliquent que difficilement pour les raconter. Le duo Robbe/ Makarevich
est de ceux- là: il faut y être, déguster,partager... prendre le plaisir toujours
trop court de se laisser séduire par la plus belle musique du monde.
Macha et
Yves sont une des plus grandes associations de sensibilité et de virtuosité
qu'il soit donné de
rencontrer.
Michel
Tanner
( Directeur des Arts
de la Scène de la Province de Hainaut )